Un nouveau régime carcéral durci
La loi n° 2025-532 visant à sortir la France du piège du narcotrafic a été promulguée le 13 juin 2025. Cette nouvelle loi, ayant suscité de nombreuses critiques, opère plusieurs modifications sur le plan pénal et procédural, liées principalement à la criminalité organisée.
Contestées à bien des égards, ces nouvelles dispositions instaurent notamment un nouveau régime carcéral durci ainsi qu’un allongement des délais relatifs à la détention provisoire.
Ainsi, le délai de la détention provisoire est prolongé pour certaines infractions, à savoir les délits punis de dix ans d’emprisonnement commis en bande organisée ainsi que les délits prévus aux articles 222-37 (infractions relatives à la législation sur les stupéfiants), 222-5 (proxénétisme), 312-1 (extorsion) et 450-1 (association de malfaiteurs) du Code pénal.
Désormais, en vertu du nouvel article 145-1-1 du Code de procédure pénale, la durée de la détention provisoire est passée de quatre à six mois, renouvelables jusqu’à deux ans maximum durant l’instruction.
Il convient cependant de noter un oubli manifeste du législateur. L’article 145-1 du même Code régissant initialement la détention provisoire en matière correctionnelle n’a pas disparu et coexiste avec le nouvel article susmentionné. Cet article prévoit une durée de la détention provisoire de quatre mois renouvelables, dans une limite de deux ans durant l’instruction. Il prévoit également une prolongation exceptionnelle supplémentaire de quatre mois dans certaines circonstances.
Or, le nouvel article 145-1-1 ne prévoit pas cette prolongation exceptionnelle. Dès lors, il est possible de s’interroger quant à l’articulation de ces dispositions. Les magistrats vont-ils combiner ces articles de manière à pouvoir bénéficier du renouvellement de la détention tous les six mois de l’article 145-1-1 mais également du délai supplémentaire exceptionnel de quatre mois de l’article 145-1 ? À n’en pas douter, il s’agirait d’un entorse au principe d’égalité résultant d’un « forum shopping » répressif.
Force est de constater que cette évolution législative intervient dans un contexte de surpopulation carcérale inédit. Avec 83 681 détenus au 1er mai 2025, la France bat, une fois de plus, son record de surpopulation carcérale.
En effet, depuis presque dix ans, les rapports annuels du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) se ressemblent et ne cessent d’alarmer sur la surpopulation carcérale croissante dans les prisons françaises. Dans un tel contexte « la mise en place d’une régulation carcérale contraignante fondée sur la loi demeure plus urgente que jamais » avait affirmé Dominique Simonnot.
Plus encore, cette triste réalité a déjà valu à la France une condamnation par la Cour européenne des droits de l’Homme pour violation des articles 3 et 13 de la Conv. EDH (J.M.B et autres c. France, 30 janvier 2020).
Cet alarmant constat s’observe essentiellement dans les maisons d’arrêt, où sont principalement incarcérés les prévenus et, de manière (prétendument) exceptionnelle, les personnes condamnées dont la peine ou le reliquat de peine n’excède pas deux ans d’emprisonnement.
Enfin, cette modification législative est d’autant plus regrettable que le recours excessif à la détention provisoire sévit dans notre État. Bien que la lettre du Code de procédure pénale précise que cette mesure, d’une gravité extrême en ce qu’elle prive de liberté une personne présumée innocente, devrait être appliquée que de manière exceptionnelle, la réalité est, comme le démontrent les chiffres, toute autre.
Publié le 30 juin 2025