Précisions transversales en matière d’enquête
Dans son arrêt du 6 mai 2025 (n°24-85.007), la chambre criminelle de la Cour de cassation apporte une multitude de précisions relatives à la procédure pénale.
En l’espèce, un individu était mis en en examen des chefs d’importation de stupéfiants et blanchiment, en bande organisée, d’infractions à la législation sur les stupéfiants, d’associations de malfaiteurs, blanchiment en récidive et d’abus de biens sociaux.
Une requête en nullité a été déposée par son conseil, remettant en cause la régularité de plusieurs actes de procédure.
Tout d’abord, il était question de la régularité d’une scission de l’action publique.
En l’espèce, le prévenu contestait la décision du procureur de la République de diviser les poursuites, en saisissant plusieurs magistrats instructeurs pour des faits distincts. Ainsi, le premier juge d’instruction était chargé des faits relatifs au réseau criminel dédié aux trafics de stupéfiants, d’armes et au blanchiment, tandis que le second magistrat instructeur traitait du démantèlement de l’un des trafic locaux découvert par l’examen des données captées sur le réseau.
Or, les juges de la chambre criminelle sont venus valider cette scission, motif pris des prérogatives de direction de l’action publique dont dispose le Procureur de la République.
Ensuite, la chambre criminelle s’est prononcée sur la validité d’un réquisitoire supplétif non daté. En l’espèce, le juge d’instruction avait sollicité l’extension de sa saisine à des faits commis entre le 27 avril 2021 et le 2 mai 2022. En réponse, le parquet a requis, par une simple mention manuscrite non datée, « qu’il soit instruit supplétivement sur les faits susvisés commis du 27/04/2021 au 02/05/2022 ». Le mis en examen invoquait l’irrégularité découlant de ce réquisitoire supplétif non daté.
Faisant fi de la jurisprudence préexistante et constante en la matière, les juges du quai de l’horloge ont estimé que le réquisitoire supplétif non daté était régulier, dès lors que les éléments du dossier établissaient sans ambiguïté la date de cet acte.
Par ailleurs, en l’espèce, un agent pénitentiaire s’est permis de prendre en notes les propos échangés entre un détenu et sa visiteuse, avant de les transmettre au chef d’établissement. Face à un tel comportement, le détenu en question estimait avoir été victime d’un contournement ou d’un détournement de procédure.
Contrairement à l’intéressé, la Cour de cassation n’y voit cependant aucune irrégularité. En effet, elle considère que l’agent pénitentiaire n’a eu recours à aucun artifice ou stratagème, sa présence au parloir étant obligatoire, visible et évidente.
En outre, dans la présente procédure, une perquisition a été réalisée au domicile du suspect en son absence et en l’absence d’un représentant qu’il aurait désigné. Pour la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, l’enjeu était donc de se prononcer sur la validité d’un tel procédé.
Ainsi, considérant que le mis en cause n’avait pas encore la qualité de mis en examen, les juges précisent qu’il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 96 du Code de procédure pénale, et non celles de l’article 95 du même code.
Par conséquent, la perquisition peut être réalisée à son domicile en dehors de la présence, y compris si elle se trouve en garde à vue, dès lors que cette opération est réalisée en présence d’une autre personne, également domiciliée dans les lieux, en l’occurrence, l’épouse de l’intéressé.
De surcroît, deux autres thématiques ont fait l’objet de contestations dans la présente affaire.
Premièrement, il était question du délai entre l’autorisation et l’exécution d’une mesure de sonorisation. En l’espèce, le juge d’instruction avait autorisé la mise en place d’une mesure de sonorisation au sein du domicile d’un suspect. Toutefois, la mise en place effective du dispositif n’a eu lieu qu’un mois et demi plus tard, sans qu’un avis, fût-t-il oral du juge d’instruction, soit recueilli sur la nécessité et la proportionnalité de cette mesure.
Pour rejeter le moyen de nullité de la mesure de sonorisation, les juges de la chambre criminelle s’appuient sur les articles 706-95-11 et suivants et 706-96 du Code de procédure pénale. En effet, lesdites dispositions ne posent aucune condition de délai à la mise en place effective du dispositif depuis son autorisation.
En effet, le choix du moment de la pose du dispositif technique relève entièrement de l’appréciation des enquêteurs, en fonction de l’état d’avancement de leurs investigations et de la recherche du moment le plus opportun, sans qu’il soit nécessaire que le magistrat instructeur en soit avisé. En l’espèce, les enquêteurs avaient précisé avoir trouvé un moment propice en raison de l’éloignement du requérant.
Par conséquent, le délai d’un mois et demi entre l’autorisation et la réalisation effective de la mesure, n’est pas de nature à remettre en cause la validité de la mesure.
Deuxièmement, les juges de la chambre criminelle se sont prononcés sur la qualité à agir en nullité des mesures de captation de données informatiques et d’interception de correspondances.
En l’espèce, le requérant critiquait la régularité des mesures d’interception et de captation diligentées dans le cadre de procédures « souches », faisant valoir que les enquêteurs lui avaient attribué divers propos et conversations tenus sous le pseudonyme de « Brazza ».
La chambre de l’instruction avait refusé au mis en cause la qualité pour agir en nullité de ces mesures de captation, estimant que l’intéressé pourrait s’être ponctuellement immiscé dans l’une des conversations captées, mais que ce fait n’est pas démontré et est contesté par lui.
Cette motivation n’a pas permis de convaincre les juges du quai de l’horloge, qui précise que le fait qu’il résulte des pièces de la procédure que des propos lui ont été attribués et retranscrits lors des mesures contestées, suffit à conférer à l’intéressé la qualité pour agir en nullité de ces mesures, peu important qu’il conteste être l’auteur des propos en cause.
En dernier lieu, l’arrêt du 6 mai 2025, apporte une précision concernant la mesure de garde à vue. La chambre criminelle juge que le délai de 40 minutes entre la fin de la notification des droits de la garde à vue et l’avis à l’avocat, ne saurait être regardé comme excessif. Une telle appréciation n’est que peu surprenante, eu égard à la jurisprudence en vigueur.
Publié le 16 mai 2025