Seul le risque de pressions constitue un motif valable pour refuser la communication de pièces d’instruction
Dans un arrêt inédit du 22 janvier 2025, la chambre criminelle apporte d’importantes précisions en matière de remise de copie de pièces d’un dossier d’instruction par un avocat à son client (Crim. 22 janvier 2025, n°24-82.364).
En l’espèce, lors d’une information judiciaire pour des infractions de nature sexuelle, les grands-parents d’un plaignant se constituent parties civiles. Par le biais de leur avocat, ils demandent la communication de certaines pièces du dossier de la procédure. Or, le magistrat instructeur, approuvé par le président de la chambre de l’instruction, rejette la demande et s’oppose ainsi à ce que l’avocat remette une copie du dossier à ses clients.
La Cour de cassation casse et annule cette décision, estimant que le juge d’instruction n’a pas motivé son refus au regard des seuls risques de pressions sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts et toute autre personne concourant à la procédure, comme le prévoit expressément l’article 114, alinéa 9, du code de procédure pénale.
Ainsi, la Cour de cassation ne fait qu’appliquer strictement les dispositions légales destinées à concilier le secret de l’instruction avec son caractère contradictoire.
Ces conditions d’accès, prévues par l’article 114 du Code de procédure pénale, ont connu une modification significative depuis le 30 septembre 2024, date d’entrée en vigueur de la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023.
Ainsi, il est désormais possible pour l’avocat de la partie civile d’obtenir une copie du dossier dès sa constitution (et non plus uniquement depuis la 1ère audition de son client). Toutefois, cela ne lui permet pas nécessairement de remettre ces pièces à la partie qu’il assiste.
En effet, lorsqu’il est saisi d’une telle demande, il doit fournir au juge d’instruction la liste des pièces qu’il souhaite transmettre ainsi qu’une attestation de son client indiquant qu’il a pris connaissance des dispositions en interdisant la communication à des tiers.
À compter de la réception de cette demande, le juge d’instruction dispose de 5 jours ouvrables pour s’opposer à cette remise. Toutefois, un tel refus doit impérativement être motivé au regard des risques de pressions sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.
Dès lors, il convient de distinguer l’obtention d’une copie demandée par l’avocat lui-même qui est en principe de droit, de la transmission de cette même copie à son client.
Force est de constater, que la présente décision s’inscrit dans un courant d’assouplissement des règles encadrant l’accès au dossier. En effet, jusqu’en 1996, l’accès au dossier était « exclusivement » réservé à l’avocat, de sorte qu’une copie remise à un client l’exposait à des sanctions disciplinaires. De même, jusqu’en 2014, les parties non assistées d’un avocat ne pouvaient pas se faire délivrer une copie du dossier, de sorte qu’elles étaient contraintes de consulter directement le dossier au greffe du juge d’instruction.
Enfin, il faut souligner que la question de l’accès au dossier est un enjeu majeur de la politique pénale. En effet, cette décision intervient à la suite du projet de loi instaurant la création du « dossier-coffre » et de la décision d’annulation de la possibilité pour les avocats de scanner ou photographier les pièces du dossier pénal (CE, 24 juillet 2024, n°464641).
Publié le 25 avril 2025