La Cour de cassation juge que le fait, pour des journalistes, de filmer les opérations préalables à une perquisition ne vicie par la procédure
Par son arrêt du 11 février 2025 (n°24-83.214), la chambre criminelle explicite sa jurisprudence en matière d’investigations filmées.
En l’espèce, dans le cadre d’une information judiciaire pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, différentes mesures ont été ordonnées par le magistrat instructeur.
En l’espèce, le 13 septembre 2023, plusieurs personnes ont été interpellées par des fonctionnaires de la brigade anticriminalité, puis mis en examen des chefs d’infractions à la législation sur les armes et d’association de malfaiteurs. Plusieurs mois plus tard, le 23 février 2024, un reportage a été diffusé sur une chaîne de télévision contenant plusieurs scènes de cette opération de police.
À la suite de ces faits, la chambre de l’instruction a été saisie de plusieurs requêtes en annulation des actes et pièces de la procédure.
Les requérants arguaient que le fait de filmer les opérations préalables à une perquisition, porte nécessairement atteinte au secret de l’instruction. Ainsi, une telle violation conduit nécessairement à une atteinte aux intérêts des personnes visées, peu importe que celles-ci ne soient pas identifiables du fait du floutage des images les concernant.
Néanmoins, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
En effet, les juges du quai de l’horloge estiment que si les différentes étapes préparatoires à l’intervention dans l’appartement ont été filmées, et notamment l’ouverture de la porte avec un bélier, aucun journaliste n’est entré dans les lieux. Ainsi, les opérations d’interpellation, de perquisition et de saisies n’ont fait l’objet d’aucune image. Par conséquent, la Cour juge qu’aucune atteinte au secret de l’enquête n’a été causée.
Pour rappel, l’article 11 du Code de procédure pénale consacre le principe de secret de l’enquête et de l’instruction. Ce secret s’impose à toutes les personnes qui participent à la constitution du dossier et qui effectuent certaines opérations d’instruction, notamment les magistrats, les policiers ou les experts. Par ailleurs, l’instruction est secrète en ce sens que ses divers éléments ne doivent être ni divulgués ni publiés, ni même communiqués aux tiers, par les personnes susmentionnées.
Enfin, les précisions apportées par le présent arrêt complètent la solide jurisprudence déjà établie en la matière. Traditionnellement, la jurisprudence distingue entre l’acte d’enquête réalisé sur la voie publique de celui réalisé dans un cadre privé.
Ainsi, la présence de journalistes lors d’une interpellation sur la voie publique ne suffit pas à caractériser une violation du secret de l’instruction par les fonctionnaires de police (Crim. 19 oct. 2021, n°21-81.569). En revanche, le fait, pour une autorité publique, d’autoriser des journalistes à capter, par le son ou par l’image, le déroulement d’actes d’enquêtes auxquels procèdent des agents ou fonctionnaires de police judiciaire constitue nécessairement une violation du secret de l’instruction qui porte atteinte aux intérêts de la personne concernée (Crim. 19 décembre 2023, n°23-81.286).
Publié le 21 février 2025