La liberté d’expression : cause d’irresponsabilité pénale ?
Les juridictions pénales doivent neutraliser les infractions pénales lorsque l’infliction d’une peine aurait pour effet de porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. C’est ce qu’a réaffirmé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 08 janvier 2025 (pourvoi n°23-80.226).
En effet, selon l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH), toute personne a droit à la liberté d’expression. L’exercice de cette liberté peut être soumis à certaines restrictions prévues par la loi, lorsqu’elles constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique.
Cependant, l’incrimination d’un comportement constitutif d’une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression, compte tenu de la nature et du contexte de l’agissement en cause (Cour EDH, 13 janvier 2023, Bouton c. France, n°22636/19).
Ainsi, au fil des arrêts, la Cour de cassation a pu indiquer et élargir les éléments qui doivent être pris en compte par les juridictions pénales lors de leur appréciation (Crim. 22 septembre 2021 n°20-85.434 ; Crim. 18 mai 2022 n°21-86.685 ; Crim. 29 mars 2023, n°22-83.458).
Pourtant, dans son arrêt du 08 janvier 2025, la chambre criminelle juge que des manifestants qui souhaitent alerter sur les conditions d’accueil des personnes en situation de handicap dans les transports ne pouvaient le faire en allant jusqu’à bloquer la circulation de trains et d’avions.
En revanche, les juges du quai de l’horloge précisent les éléments à prendre en compte afin de s’assurer que la condamnation ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. C’est ainsi que, lorsque ce moyen est soulevé, les juges répressifs doivent examiner le contexte de la manifestation, l’existence d’un lien direct entre l’objet de la contestation et les modalités d’action choisies par les manifestants, le comportement des manifestants, l’ampleur des perturbations causées, la gravité des faits poursuivis et enfin le comportement des autorités avant, pendant et après la manifestation.
Les affaires dans lesquelles des prévenus ont été relaxés après avoir invoqué l’article 10 de la Conv. EDH se font de plus en plus nombreuses ces dernières années. Tel a notamment été le cas d’une militante Femen poursuivie pour exhibition sexuelle après s’être introduite, seins nus, dans le musée Grévin afin de protester contre le président russe (Crim. 26 février 2020, n°19- 81.827) ou encore d’un journaliste poursuivi pour avoir commis une escroquerie au préjudice d’un parti politique afin d’en dénoncer les dysfonctionnements (Crim., 25 oct. 2016, n° 15-83774).
Publié le 15 janvier 2025