Précisions sur les formalités de la saisine du juge d’instruction

Dans un arrêt rendu le 22 octobre 2024, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a énoncé que les réquisitions supplétives ne peuvent résulter d’un simple avis favorable donné par un magistrat du ministère public à une demande d’extension de saisine du juge d’instruction, ainsi que l’avis conforme de l’avocat général.

La situation était la suivante : un juge d’instruction avait sollicité par soit transmis du procureur de la République qu’il se saisisse de nouveaux faits. Au bas du soit transmis le magistrat du parquet avait porté la mention « avis favorable à l’extension envisagée » en précisant le lieu et la période des faits. Le soit transmis comportait la date, la signature et le cachet du magistrat du ministère public.

La question posée à la Cour de cassation était de savoir si ce simple avis favorable, rendu conformément à une demande d’extension de sa saisine par le juge d’instruction, était en mesure de valoir réquisitions supplétives d’informer sur des faits nouveaux ?

Le juge d’instruction fait figure de juridiction puisqu’il est, à la manière de toutes les juridictions, saisie par un acte de saisine limitant les faits et la période de prévention.

En effet, le juge d’instruction est saisi sur la base de faits via un mode saisine réglementé, notamment aux termes de l’article 51 du Code de procédure pénale qui dispose que le juge d’instruction ne peut informer qu’après avoir été saisi par réquisitoire introductif à l’initiative du procureur à la République ou après une plainte avec constitution de partie civile, qui provoquera nécessairement un réquisitoire du ministère public.

Ainsi, l’instruction est obligatoire en matière criminelle et facultative en matière délictuelle et contraventionnelle, et intervient également lorsque les faits ne sont pas être susceptibles d’être jugés sans information judiciaire, faute d’éléments suffisants. Le procureur de la République prend alors un réquisitoire introductif auquel il joint les éléments du dossier et les procès-verbaux qui servent de socle à la poursuite. Ce réquisitoire peut être adopté contre une personne précisément dénommée ou contre X. Il convient également de préciser que la saisine du juge d’instruction est irrévocable, ce qui signifie que le parquet ne peut plus renoncer aux poursuites une fois le magistrat instructeur saisi en souhaitant, par exemple, simplement renoncer aux poursuites ou saisir directement un tribunal.

Concernant l’étendue de la saisine du juge d’instruction, il sera rappelé que le magistrat instructeur a le pouvoir d’informer uniquement sur les faits expressément visés dans le réquisitoire introductif ou la plainte avec constitution de partie civile. En effet, le juge d’instruction est saisi in rem et a par conséquent l’obligation de n’instruire que sur des faits visés au réquisitoire mais également sur tous les faits visés au réquisitoire puisqu’il doit vider sa saisine. Par conséquent, il n’a pas le pouvoir de se saisir lui-même. Il peut réaliser des investigations à l’égard de toutes les personnes quand bien même elles ne seraient pas expressément visées au réquisitoire introductif, puisque sa saisine n’est pas réalisée in personam.

La saisine du juge d’instruction peut être étendue par le procureur de la République via un réquisitoire supplétif. En effet, il incombe au magistrat instructeur dès lors qu’il a pris connaissance de l’existence de faits ne figurant pas au réquisitoire introductif de communiquer immédiatement au procureur la République les éventuelles plaintes ou les procès-verbaux, constatant ces faits nouveaux en application l’article 80 al 3 du Code de procédure pénale.

Par conséquent, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé l’arrêt rejetant la requête en nullité des actes relatifs aux faits visés par le réquisitoire supplétif en retenant « qu’en se limitant à donner un avis favorable à la demande d’extension de saisine présentée par le juge d’instruction, le procureur de la République, n’a pas exercé la compétence qu’il tient de l’article 80 du code de procédure pénale de saisir ce juge, par un réquisitoire supplétif, de faits nouveaux qui avaient été portés à sa connaissance ».

D’un point de vue juridique, la conséquence de cette nullité est simple : tous les actes d’instruction accomplis sur la base de ce soit-transmis ne revêtant pas la qualité de réquisitoire supplétif ont fait l’objet d’une annulation. Un avis favorable ne vaut pas réquisitoire supplétif.

Publié le 22 novembre 2024