Loi du 30 novembre 2023 : entre réforme et énième « simplification » de la procédure pénale
La loi du 20 novembre 2023 n°23-059 dont une partie est entrée en vigueur ce 30 septembre 2024, regorge à la fois de réformes de certaines dispositions du code de procédure pénale, notamment de la perquisition, mais procède également à certains « ajustements » et comble ce que le législateur considérait comme des « oublis ».
Les modifications apportées par cette loi concernent toutes les phases de la procédure pénale puisqu’elles s’étendent de l’enquête et de l’instruction au jugement puis à la phase post-sentencielle et vient, par ailleurs, réformer une fois de plus le code de la justice pénale des mineurs pourtant flambant neuf.
Si la pratique quotidienne du droit démontre régulièrement qu’il n’existe pas de « petite reforme », encore moins lorsque celle-ci est présentée comme telle par le législateur, cette loi ne fait que confirmer la pratique puisqu’en entendant simplement « combler un oubli » le législateur modifie par exemple l’article 367 du code de procédure pénale permettant désormais, en cas d’arrêt de condamnation rendu par une Cour d’assises que celui-ci ait valeur de titre de détention à l’endroit d’un accusé comparant détenu devant elle, quand bien même une autre peine privative de liberté que la réclusion criminelle a été prononcée.
En matière d’enquête, la disposition phare de la loi est l’élargissement du régime des perquisitions nocturnes. En effet, avant le 30 septembre 2024, il était possible de débuter une perquisition en dehors à des horaires prévus à l’article 59 du code pénal, c’est-à-dire avant 6 heures et après 21 heures dans des cas très restreints, relevant des enquêtes de flagrance relatives au trafic de stupéfiants et au proxénétisme à la condition que les lieux perquisitionnés ne soient pas des locaux d’habitation et en matière de criminalité organisée.
À présent, les enquêteurs ont la possibilité de procéder à des perquisitions nocturnes dans des locaux d’habitation pour l’intégralité des crimes flagrants contre les personnes prévues par le livre II du code pénal contenant notamment des infractions d’atteinte à la vie, de violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner ou encore de viol et d’agressions sexuelles. À l’inverse, ne sont pas concernées les atteintes aux biens, par exemple, le vol avec arme dès lors qu’il n’en résulte pas une atteinte à l’intégrité d’une personne.
Par conséquent, les perquisitions nocturnes restent exclues dans le cadre des enquêtes préliminaires.
Sur la forme, la perquisition nocturne devra être autorisée et spécialement motivée par le juge des libertés et de la détention sur demande du procureur de la République au stade de l’enquête et par un juge d’instruction au stade de l’instruction.
À peine de nullité, lorsqu’il autorise la perquisition nocturne, le magistrat va devoir établir que celle-ci est nécessaire, soit pour prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, soit pour prévenir un risque immédiat de disparition des preuves ou d’indices du crime qui vient d’être commis, soit pour permettre l’interpellation de la personne soupçonnée du crime afin d’empêcher cette personne d’atteinte à sa vie ou à celle des enquêteurs.
En parallèle les dispositions de l’article 706-92 du code de procédure pénale devront toujours être respectées, c’est-à-dire que l’ordonnance doit être écrite, préciser la qualification de l’infraction dont la preuve est cherchée ainsi que l’adresse concernée, mais surtout les éléments de fait et de droit justifiant qu’elle ne puisse être réalisée entre 6 heures et 21 heures. Enfin, les opérations de perquisition doivent se borner à la recherche des infractions visées dans l’ordonnance sous peine de nullité. La découverte d’autres infractions au cours de la perquisition permet tout au plus l’ouverture d’une procédure incidente.
Au stade de l’instruction, la loi du 20 novembre 2023 supprime la déclaration d’intention à la suite de l’avis de fin d’information qui se trouve être remplacée par une déclaration de renonciation aux droits de présenter des requêtes en nullité ou d’effectuer des demandes d’actes.
De plus, concernant la phase d’instruction, la loi prévoit la possibilité de formuler une demande de démise en examen dès la mise en examen, puis dans un délai de 10 jours alors que jusque-là elle ne pouvait être formée que 6 mois après la mise en examen.
Cette modification consacre en réalité un droit pour l’individu mis en examen de solliciter la motivation de l’ordonnance du juge d’instruction dès que ce statut lui est notifié. Par conséquent, une demande de démise en examen peut être faite au moment de la mise en examen et dans les 10 jours suivants une notification d’expertise, un interrogatoire revenant sur les résultats d’une commission rogatoire, l’audition d’un témoin, d’une partie civile ou d’un co-mis en examen mais également à l’expiration d’un délai de six mois suivant la mise en examen, puis tous les six mois.
L’accès au dossier de l’instruction dès la réception d’une convocation en vue d’une première comparution ou d’une audition est également consacré par la loi. En effet, les parties ne pouvaient jusqu’alors se faire délivrer une copie du dossier avant leur première comparution ou audition. Le dossier leur était simplement consultable quatre jours ouvrables au plus tard avant leur passage devant le juge d’instruction. Dorénavant les parties et leurs avocats pourront obtenir la copie du dossier dès la réception de la convocation. Un procès-verbal sera systématiquement délivré à l’avocat de la personne mise en examen après chaque confrontation, interrogatoire ou reconstitution.
Enfin, la loi modifie l’article 141-1 du code de procédure pénale qui transfère au juge des libertés et de la détention ou à la chambre de l’instruction, la compétence en matière de demande de modification ou de mainlevée du contrôle judiciaire d’une personne renvoyée devant une juridiction de jugement alors qu’elle relevait avant la réforme de ladite juridiction.
Les dispositions relatives à l’exécution et l’application des peines sont également concernées par la nouvelle loi puisque celle-ci prévoit, notamment, une obligation pour la juridiction de fixer le quantum maximum de la peine encourue en cas de violation d’une peine de travail d’intérêt général lorsque cette peine est prononcée.
Publié le 17 octobre 2024