Renseignement anonyme et techniques spéciales d’enquête
Dans un arrêt en date du 5 avril 2024, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur la motivation nécessaire pour le recours à une mesure de géolocalisation et d’interception téléphonique.
Deux personnes mises en examen pour des faits d’infractions aux législations sur les armes et les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt ayant rejeté leur requête en annulation de certains actes de la procédure.
En effet, ils faisaient notamment grief à la Chambre de l’instruction d’avoir validé l’autorisation de la mesure de géolocalisation et d’interception téléphonique sur le seul fondement d’un renseignement anonyme.
La Cour de cassation va rejeter ce moyen en jugeant « qu’en effet un renseignement anonyme peut servir à orienter et faciliter les investigations des enquêteurs et notamment être exploité à l’appui de mesures de géolocalisation et d’interception de correspondance, lorsqu’il est comme en l’espèce corroboré par d’autres éléments qui, ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s’en assurer, ont précisément été mentionnés dans les décisions autorisant ces mesures ».
En application des articles 100-1 et 230-33 du Code de procédure pénale, l’ordonnance prescrivant ces mesures doit être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires.
L’intérêt du présent pourvoi est donc d’éclairer sur les éléments susceptibles de pouvoir motiver le recours à la géolocalisation et aux interceptions téléphoniques.
D’une part, il résulte de cet arrêt qu’un simple renseignement anonyme ne saurait justifier le recours à des procédés spéciaux d’enquête et particulièrement attentatoire à la vie privée.
D’autre part, la Cour de cassation rappelle que les éléments qui corroborent le renseignement anonyme doivent expressément apparaître dans les décisions autorisant les mesures d’enquête.
Pour rappel, sur le plan de la preuve, le renseignement anonyme qui ne peut pas être assimilé à une audition témoin anonyme au sens de l’article 706- 57 du Code de procédure pénale n’a aucune valeur probante (tel que la Cour de cassation l’a déjà rappelée dans un arrêt du 6 octobre 2015).
Ainsi, si le renseignement anonyme peut être utilisé par les enquêteurs pour orienter les investigations, il est parfaitement insuffisant pour justifier à lui seul certaines mesures d’enquête comme une perquisition sous le régime de l’enquête de flagrance ou encore un contrôle d’identité.
Cependant, la Cour de cassation juge que dès lors que le renseignement anonyme est corroboré par d’autres éléments, il peut sous réserve du respect des conditions posées à l’article 53 du Code de procédure pénale permettre le recours à l’enquête de flagrance offrant la possibilité aux enquêteurs de recourir à des moyens d’investigations plus coercitifs.
Reste que, la notion de « corroboration » demeure indéfinie et est, par conséquent, susceptible d’être entendue de manière vaste : un renseignement anonyme corroboré par un seul autre élément susceptible d’être à charge doit-il permettre le recours à des moyens spéciaux d’enquête ?
Publié le 7 juin 2024