Les droits de la défense dans un cadre informel

La chambre criminelle de Cour de cassation a rendu le 22 novembre 2023 (n°23-80.575) un arrêt dans lequel elle a eu l’occasion de rappeler certains éléments inhérents au respect des droits de la défense, et notamment, les droits au silence et d’être assisté d’un avocat.

En l’espèce, les prévenus avaient été placés en garde-à-vue après avoir tenté de s’enfuir à l’aide d’un véhicule lors de leur interpellation, et ce faisant, percuté un fonctionnaire de police. Or, dès leur arrivée au poste, le présumé complice, passager du véhicule, avait déclaré avoir demandé à plusieurs reprises au conducteur du véhicule d’accélérer craignant une agression. 

L’enquêteur avait alors pris soin de retranscrire ses déclarations dans un procès-verbal, avant même la notification de ses droits. 

La Cour de cassation donne raison à la cour d’appel, laquelle avait reconnu que les droits du prévenu au silence et à l’assistance de l’avocat avaient été méconnus.

En effet, ses déclarations avaient été faites dans un cadre informel, c’est-à-dire, hors procès-verbal d’audition, alors qu’il était seul avec les enquêteurs et ce, sans raison impérieuse tenant aux circonstances de l’espèce, et sans qu’il ait expressément renoncé à l’assistance d’un avocat.

Considérant ainsi que cette pièce de la procédure méconnaissait nécessairement les droits de la personne gardée à vue au silence et à l’assistance d’un avocat, la chambre criminelle affirme donc expressément et en substance : « les propos tenus par une personne placée en garde à vue avant que son droit de garder le silence lui ait été notifié ne peuvent être retranscrits ».

Par ailleurs, les prévenus avaient quant à eux choisi de se pourvoir en cassation, contestant le rejet par la cour d’appel de leur demande concernant l’annulation de l’expertise psychiatrique de l’auteur principal présumé.

La Cour de cassation a ici confirmé la position de la cour d’appel, laquelle avait estimé que les droits de la défense c’est-à-dire, celui d’être assisté d’un avocat et celui de garder le silence et de ne pas s’auto-incriminer ne s’appliquent pas à d’autres situations en dehors des auditions par des enquêteurs, ou des injonctions de remettre des pièces, ou à des interrogatoires devant des juridictions. 

En l’espèce, l’expert insistant face au prévenu gardant le silence, n’avait donc pas manqué à son devoir d’impartialité ni au nécessaire respect de la présomption d’innocence. La chambre criminelle considère donc que la notification du droit au silence n’avait donc pas lieu d’être dans le cadre d’une expertise psychiatrique. Elle précise simplement : « la tenue de propos incriminants par une personne mise en examen lors d’une expertise n’est pas de nature à entraîner l’annulation de celle-ci, mais uniquement à empêcher de fonder une condamnation sur lesdits propos » .

Cependant, le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2021-975 QPC du 25 février 2022 avait déclaré les dispositions de l’article n° 77-1 du Code de procédure pénale contraires à la Constitution car elles ne prévoyaient pas pour la personne soupçonnée d’avoir commis une infraction de son droit au silence lors d’un examen au cours duquel elle peut être interrogée sur les faits qui lui sont reprochés, et notamment lors d’une expertise psychiatrique. 

En l’espèce, si le psychiatre avait bien indiqué au prévenu qu’il avait le droit de quitter la pièce, il avait tout de même insisté à plusieurs reprises pour obtenir des réponses à ses questions de la part du prévenu. Ainsi, s’il en reste que la notification du droit de garder le silence semble avoir eu lieu, la question de savoir si ce droit a effectivement été respecté par l’expert n’est pour autant pas totalement résolue.

Il semble ainsi complexe d’allier la position du Conseil constitutionnel avec celle de la Cour de cassation. 

Publié le 6 mars 2024